Coeur brisé
Je remonte les escaliers, mon thé vert dans la main, avant de fermer la porte et de m'installer sur les plaids et les coussins, teintés de grenat et d'ivoire, éparpillés sur le sol. La petite bougie, que j'ai allumée plus tôt dans l'après-midi, brûle toujours et rend à la chambre une ambiance tamisée et relaxante. Une délicate et suave odeur de vanille émane de celle-ci. Ce doux parfum sucré, qui flotte dans l'air, embaume le petit cocon dans lequel j'aime me retrouver. C'est au sein de cette atmosphère paisible que je me laisse souvent submerger par mes pensées et que je prends le temps de me ressourcer. Je bois une gorgée de ma boisson chaude et me replonge dans le livre que je lisais avant de descendre à la cuisine.
Les secondes, les minutes, les heures passent. Absorbée par mon histoire, je tourne inlassablement les pages, les unes après les autres. Je m'apprêtais à en tourner une énième quand une photo tombe de l'ouvrage et se dépose sur mes cuisses. Je m'arrête brusquement. Je sens mon visage se crisper et mes yeux s'humidifier. De fines larmes commencent à ruisseler sur mes joues. Ce cliché, je le connais dans ses moindres détails. Je l'ai longtemps regardé avec insistance et pendant de longues minutes. Il représente le portrait d'un homme d'une vingtaine d'années ayant un visage assez fin. Il a des cheveux bruns et brillants, un peu plus longs sur le sommet de son crâne. Ses sourcils bien dessinés mettent en valeur ses yeux, en amande, subtilement pigmentés de marron. Son regard est perçant et mystérieux. C'est typiquement le genre de regard qu'on oublie difficilement une fois qu'on l'a croisé. Des joues légèrement creusées, une mâchoire carrée et des lèvres gourmandes, tout est harmonieux. J'admire la beauté de ce visage que j'ai tant de fois contemplé.
Il appartient à celui qui a bouleversé et changé ma vie, celui que j'ai aimé de tout mon cœur et de toute mon âme. Cet homme dont je suis éperdument tombée amoureuse et qui m'a fait ressentir les plus belles émotions mais aussi les pires, cet homme pour qui je me suis battue, cet homme qui est parti sans même se retourner. Du jour au lendemain, il m'a laissé seule, détruite, pour une autre. Il est parti. Comme un lâche. La douleur de son absence est pesante et lourde à porter. Parfois, il me manque. Enfin, nos moments me manquent, pas sa petite personne en elle-même. Ses câlins, ses mots doux, ses blagues plus nulles les unes que les autres. Toutes ces choses qui ont fait que je me suis attachée à lui. Mais rien ne sera plus comme avant.
M'a-t-il trompé ? Je ne le sais pas. Ou devrais-je plutôt dire « il m'a trompé mais je ne me l'avoue qu'à moitié » ? J'en suis consciente. Je sais qu'il l'a fait mais, s'avouer avoir été trompée, est l'une des pires sensations qui existent. Quand j'ai appris ça, tout a fusé dans ma tête. Je me suis demandée pourquoi il avait fait ça et avec qui. J'ai pensé que finalement je n'étais peut-être pas assez bien pour lui. J'ai culpabilisé et je me suis dit que j'aurais peut-être dû agir différemment. Je me suis remise en question alors que, dans le fond, je n'ai pas à le faire. Le problème ne vient pas de moi. Aucun acte ne justifie la tromperie. Alors oui, il m'a trompé. Sans réfléchir. Sans penser au mal que cela me procurerait. Sans penser à la blessure qu'il laisserait en moi et qui ne deviendrait rien d'autre qu'une profonde cicatrice. A cause de lui, je me crée des barrières constamment. Je suis méfiante, parfois j'en deviens méchante. Je n'arrive plus à faire confiance, je doute de tout, sans le vouloir. J'évite de m'attacher. A quoi bon s'attacher pour finir brisée ? Je rejette inconsciemment ceux qui me veulent du bien, par peur qu'eux aussi me fassent souffrir. Je sais qu'ils ne sont pas tous comme ça, qu'il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier mais c'est ma manière de me protéger, de protéger le petit cœur tendre qui bat sous sa solide carapace.
Aujourd'hui, je n'espère plus rien. J'attends seulement celui qui réveillera la flamme au creux de mon cœur de glace, celui qui percera tous mes secrets. J'attends celui qui me réapprendra à aimer avec un grand A.